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A storia vignaghjola

Posée un peu n'importe où sur les cartes, suivant l'humeur des dessinateurs ou la place libre, la Corse est certainement la plus lointaine des terres proches, car elle est différente, inconnue et souvent étrange. C'est pourquoi il n'est pas inutile de vous parler d'elle. Nous vous parlerons d'une île qui n'est vagabonde que pour les cartographes du passé, d'un pays solidement ancré sur son socle hercynien, d'une montagne dans la mer que ses premiers visiteurs antiques appelèrent "île aux cheveux de forêt" et Corse "la très belle" et dont la racine préindoeuropéenne "Kor" signifie"l'île aux sommets qui émergent". Nous lèverons un petit coin de voile sur l'une des plus vieilles terres à vigne du monde.

L'ANTIQUITE

  Depuis la plus haute antiquité, la vigne fait partie des cultures traditionnelles de notre île. Phéniciens, Phocéens, Carthaginois, Romains, encouragèrent successivement son développement. Ainsi, six siècles avant notre ère, les Grecs faisaient du vin d'Alalia (Aleria) un de leurs breuvages favoris. Durant l'ère romaine, la vigne sera attestée dans plus de 30 cités littorales où elle sera associée à la culture de l'olivier. En 35 avant JC, Virgile évoquait déjà le vin de Balagne, couleur de rubis et agréable au palais. A la chute de l'Empire Romain et durant les 5 siècles d'invasions et de troubles qui suivront, la vigne retournera à son état primitif de lambrusque, attendant le retour de la paix et des vignerons.

LE MOYEN AGE

  En 1078, la Corse se plaça sous la suzeraineté du Saint-Siège qui en confia l'administration aux Pisans. Devenus administrateurs de l'île, ces derniers mettrons du vin corse dans les ciboires de leurs prêtres et les gobelets de leurs notables. Cette période de renaissance verra la vigne se développer à partir des monastères qui joueront ici un rôle d'initiateurs.
LA CORSE GÉNOISE
Victorieuse de Pise à la bataille de Meloria, la République de Gênes va pratiquer de 1638 à 1640 une politique agricole nettement favorable à la viticulture. Pour la mener à bien, elle usera d'un arsenal de textes allant de l'incitation à la contrainte. Si elle permit d'obtenir des résultats importants dans la Corse schisteuse du Cap Corse ou de la Castagniccia, ils seront bien moindres au sud dans la Corse granitique qui restera, dans l'ensemble, plus céréalière et moins cultivée. La vigne prospèrera néanmoins autour d'Ajaccio et à Sartène, où elle perdure encore de nos jours avec le châtaignier et l'olivier. Durant cette occupation, la république de Gênes tirera de notre île d'importantes ressources alimentaires et s'arrogera le monopole du commerce pour le blé comme pour le vin. Cette colonisation économique aura des conséquences politiques incontestables. L'agriculture et plus précisément l'arboriculture étant un moyen précieux de combattre une économie communautaire faite de cueillette et de vaines pâtures. Les contrats de Pastinera prévoyant que le
preneur devenait, au terme de 10 ans, propriétaire de la moitié du foncier mis en culture, ont permis la constitution d'une véritable bourgeoisie rurale tournée vers l'économie de marché et acquise à l'idée de la propriété privée des terres.

LA CORSE FRANCAISE
En 1768, Gênes cède, par le Traité de Versailles, l'île de Corse au Royaume de France. Cette cession ne mettant pas fin aux exportations vers l'Italie du Nord, le vignoble corse continuera à se développer jusqu'en 1873 environ, où il occupera une superficie de l'ordre de 30 000 ha et ce malgré les épidémies d'Oïdium et de Phylloxera qui ravageront une partie du vignoble en 1850. A la fin du siècle, on assiste à une reprise des ventes à l'extérieur et à l'essor de quelques grands domaines. Mais, dès les premières années du 20ème siècle, un effondrement général des prix du vin stoppera net cette expansion. La Grande Guerre parachèvera ce déclin en tuant d'une même mitraille les hommes, les vignes et les liaisons commerciales ramenant dans les années 30 les surfaces cultivées à 5 ou 6 000 ha. Ne subsisteront alors que des îlots de production en marge du marché. Ainsi, après la crise Phylloxérique et jusqu'en 1950, la superficie cultivée ne couvre plus que 8 500 ha.
LES ANNÉES SUCRÉES...
Trente ans s'écouleront avant que la viticulture insulaire ne redevienne un véritable secteur économique. Avec l'arrivée des rapatriés d'Algérie à partir de 1961, le vignoble va s' étendre de telle sorte qu'il atteindra 27 000 ha en 1976. Le long de la bande littorale orientale, 25 000 ha de vignes vont ainsi remplacer friche et maquis. Le type de viticulture qui se met en place (vignobles à gros rendement, chaptalisation à outrance et vins médecins) lié aux habitudes et aux courants commerciaux des rapatriés d'Algérie se révélera peu judicieux, car mal complanté et trop productif pour pouvoir se passer du sucre. L'évolution de la consommation vers des vins de meilleure qualité, l'amélioration de l'encépagement dans les régions grosses productrices (Hérault) et la fin du droit à chaptaliser à partir de 1972, le priveront de ses débouchés. Le non respect des règles par certains et la mauvaise gestion par l'état de l'affaire de la cave d'Aleria précipiteront les événements marquant ainsi le renouveau d'une conscience identitaire.
POUR UNE VITICULTURE DE QUALITÉ
La politique d'assainissement viticole mise en place par la C.E.E. prévoyant des primes d'arrachage pour le vignoble de vin de table trop productif et des primes de restructuration pour améliorer l'encépagement des zones de vin de table en Appellation d'Origine Corse, a été bien accueillie. Ainsi, quelques 20 000 ha ont été arrachés et près de 3 000 ha replantés en cépages respectant la typicité. La surface a été ainsi ramenée à 8 000 ha de vignes produisant quelques 91 000 hectolitres en AOC et 190 000 en Vin de Pays. Salué par tous comme la grande réussite économique de la Corse de ces dix dernières années, le renouveau viticole est issu de la volonté de vignerons qui ont su concilier tradition et modernité. Ainsi, sous leur influence, le vin corse a gagné aujourd'hui ses lettres de noblesse ainsi que la confiance des insulaires, des visiteurs et des marchés extérieurs.
Par François MERCURY

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